Chapter I
Une famille normale, voilà ce que tout le monde désire au fond, une famille sans soucis ni problèmes, des parents, des enfants, des sourires et des rires, quelques petites histoires, bien sûr, qui n’en a pas, nous ne vivons pas en pleine utopie, mais de petites, faciles à résoudre, aisément balayées par cette fameuse joie domestique. Une famille normale, basique, calme et apaisée. Mais l’herbe est toujours plus verte chez les voisins, n’est-ce pas ? Et même la plus basique des familles a ses petits secrets.
Les Sullivan n’avaient rien d’une famille normale. Rien du tout. Même s’ils n’ont jamais attiré les regards, les rumeurs et autres commérages, il y avait pourtant de quoi faire avec eux. Une famille qui savait se faire discrète et à laquelle on cantonnait une image simple. Un père, peintre raté qui avait fini par devenir mécano, un métier basique, qui ne fait pas parler et qui n’intéresse personne. Un homme qui n’attirait pas les regards, qui ne parlait à personne si ce n’est ses clients et quelques collègues, un homme simple qui était follement tombé amoureux d’elle… Une mère, ni jolie, ni laide, normale, souriante, ancienne secrétaire devenue femme au foyer après la naissance de son premier enfant. Une jeune femme qui aurait pu apporter bien des joies à ce petit foyer et qui pourtant l’a détruit et déchiré. Qui a fait plus souffrir que sourire. Qui a déchiré plus qu’elle n’a tenu cette famille liée.
C’était l’anniversaire des 7 ans de Duncan et elle a disparu, du jour au lendemain, sans crier garde, sans prévenir, sans rien laisser derrière elle si ce n’est ses affaires et ces quelques souvenirs dans l’esprit des Sullivan restant. Duncan ne comprenait pas, d’ordinaire, pour son anniversaire, ils se faisaient tous le trois ce câlin groupé, jouaient au Uno puis somnolaient devant des Disney. Mais cette fois avait été différente. Il était resté avec sa grand-mère, une vieille dame qui lui faisait peur et lui donnait des haut-le-cœur à ses bisous ventouses. Il avait donc dû passer une grande partie de la journée avec cette momie qui sentait fort le parfum dépassé jusqu’à ce que son père revienne enfin le chercher. Il avait eu du mal à le reconnaître avec son visage pâle, ses traits tiré et cette odeur nauséabonde qui lui faisait presque regretter les bisous ventouses de sa Granny. Mais il s’était malgré tout jeté dans ses bras avec un large sourire.
« Bah elle est où Mams ? » « Elle est partie en voyage Duncan. Elle ne reviendra pas de suite. » « Alors on sera que tous les deux pour mon anniversaire ? » « Ton anniversaire… Oui, tous les deux. On rentre. »Et il l’avait ramené chez eux, ils avaient passé la soirée dans un silence de plomb que seule la voix encore fluette de Duncan venait briser par moment. Mais jamais celle de son père. Celui-ci se cantonnant à rester silencieux, enchaînant les verres d’une jolie bouteille que Duncan avait voulu goûter sans y avoir droit. Duncan avait passé la fin de la soirée seul devant les Disney, serrant sa peluche et y étouffant ses larmes, son père étant monté non sans tituber avec une troisième jolie bouteille.
« Duncan. C’est la cinquième fois cette semaine que tu sors de ton lit. T’as onze ans maintenant, va falloir arrêter. » « Fait froid… » « T’es sous l’arrosage nigaud… »Duncan était loin d’être réveillé, se frottant les yeux. Son somnambulisme avait commencé avec le, toujours si mystérieux, départ de sa mère. Il se réveillait parfois dans la chambre de ses parents, ses petites mains accrochées soit à son père puant la jolie bouteille, soit à l’oreiller de sa mère. Parfois c’était dans la cuisine, le salon, le placard de sa mère, les toilettes, le jardin, le garage... Ses escapades nocturnes n’avaient pas de limite, se cogner, se mouiller ou tomber ne le réveiller que rarement. Il grelottait et leva des yeux toujours aussi empreint d’espoir vers son père à la barbe hirsute :
« Dis Paps… Elle revient quand Mams ? » « Toujours pas aujourd’hui Duncan… »Et à chaque fois, il lui ébouriffait les cheveux, seul geste attentionné qu’il lui restait. Ce n’est que bien plus tard que le mystère dans lequel avait grandi Duncan allait être dissipé. Que bien plus tard qu’il allait se rendre compte qu’il aurait préféré rester dans le brouillard.
Chapter II
Plus Duncan grandissait, plus sa haine à l’égard de sa mère grandissait. Oui, sa haine. Car bien qu’au départ il ait aimé sa mère, il est venu, petit à petit, à lui en vouloir, la blâmant pour la tristesse et la morosité qui pesait sur leur petite maison, sur l’humeur puante et désagréable de son père et son état qui n’avait cesse d’empirer. Elle ne semblait donner des nouvelles qu’à son père, ce-dernier transmettant qu’un minimum d’information avec son fils. Comment aimer une femme qui n’accordait pas la moindre importance à son enfant ? Qui l’avait abandonné du jour au lendemain, le jour de son anniversaire qui plus est ? Une femme qui croquait apparemment la vie à pleine dent en se moquant royalement d’avoir laissé deux membres de sa famille détruits derrière elle ? Une saleté, voilà ce qu’elle était aux yeux de Duncan.
Il lui arrivait parfois même de penser que son père faisait semblant d’avoir des nouvelles, qu’il avait tout simplement pas eu le courage de lui dire, lorsqu’il était enfant, que sa mère était décédée. Il ne manquait pas d’hypothèse au sujet de sa marâtre, mais peu importait ses idées, il la détestait malgré tout. Car quoiqu’il se soit passé, elle les avait abandonné et avait de la sorte tracé leur vie sous une lumière bien plus triste que celle qu’il avait connue avant ses sept ans.
Et bientôt, cette vision de la femme allait d’autant plus s’ancrer en lui et s’intensifier. C’est au collège qu’une deuxième femme l’a trahit. Il ne connaissait pas l’affection féminine, elle lui manquait cruellement et ne savait donc comment réagir face aux femmes. Et sa professeur en a méchamment profité.
Il était en deuxième année de collège, elle le suivait depuis déjà deux ans. Duncan n’a jamais été un mauvais élève, pas non plus premier de la classe, il avait pourtant un bon niveau, notamment en écritures créatives et en arts, là où son imagination n’avait aucune limite et où il se plaisait à la laisser déborder. Mme Marcou, professeur d’arts plastiques, n’a pas manqué de remarquer le garçon aux yeux bleus, ne manquant jamais de le complimenter. C’est ainsi que cela a commencé. Par des compliments, des discussions, puis des tapotages d’épaules, tapotages qui se muèrent petit à petit en douces poignes puis caresses. Mais jamais Duncan n’a trouvé cela étrange, jamais il ne s’en est vraiment préoccupé. Après tout, c’était la première fois qu’une femme le remarquait et surtout, le félicitait. Et l’air de rien, ça lui réchauffait le cœur. Jusqu’à ce qu’elle dépasse les bornes.
Il était une cible facile, pas très aimé des autres élèves, Duncan a toujours été un solitaire, ne sachant tout simplement pas comment s’intégrer, toujours un peu plus mature que le reste de ses classes. Son seul ami était Cortex. Sa souris que son père lui avait achetée à son douzième anniversaire. Une souris de compagnie qu’il aimait beaucoup, la gardant souvent avec lui, s’amusant à lui apprendre des tours, la seule à le câliner en venant se lover dans le creux de son épaule lorsqu’il jouait à la console ou travaillait. Duncan ne parlait pas beaucoup, sauf à Cortex, alors se mêler à d’autres adolescents ? Autant dire que c’était couru d’avance.
« Duncan, tu veux bien rester après le cours ? J’aimerais discuter de tes derniers travaux » « Euh… D’accord Mme Marcou… » « Parfait, toujours aussi adorable et poli Duncan. » « Euh… C’est vraiment la peine de fermer la porte ? Euh… Madam-… » Elle est celle qui lui a volé son premier baiser ce jour-là. Elle disait que c’était normal, cette attirance, mais lui ne la ressentait pas, il avait beau lui dire, elle insistait, disant qu’il ne pouvait pas savoir, mais que leur connexion était bien trop forte pour que seule elle la ressente :
« Je vous jure que je crois que c’est que vous Madame. » « Duncan, tais-toi. Tu es jeune, tu ne peux pas savoir. » « Peut-être, mais je sais que je vous aime pas Madam-... »Elle le giflait à chaque fois qu’il osait remettre en question ce retour de sentiment. Alors il a appris à se taire. Se disant que les femmes étaient bien plus facilement froissées et violentes que les hommes. Jamais son père n’avait levé la main sur lui. Jamais. Au départ, elle ne lui faisait subir que des baisers et des caresses, des étreintes mêmes, et il obéissait sagement, jamais à l’aise. Il n’est pas resté muet, non, il en a parlé à son père, mais bien trop imbibé pour le croire la discussion a tourné au comique :
« Je te jure que c’est vrai Paps. » « Et moi je te jure que c’est normal de fantasmer sur ses profs Dunky. » « J’aime pas quand tu m’appelles Dunky tu sais, et je fantasme pas, elle le fait vraiment ! » « Mais oui, mais oui, ça s’appelle la croissance mon grand, t’as envie de découvrir des choses, mais là je suis pas trop en état d’avoir cette conversation, va me chercher une jolie bouteille tu veux, et arrête de te battre à l’école t’as un vilain cocard. » « Je me bats pas… Et je sais depuis longtemps que c’est pas juste de jolies bouteilles Paps… » Mais Duncan n’insistait jamais quand il était dans cet état, préférant lui donner ce qu’il voulait et rester à ses côtés pour le surveiller et s’occuper de lui, le détendre, le faire rire en lui montrant ce qu’il avait appris à Cortex, lui changer les idées. Car son père était détruit, c’était peut-être pour ça qu’il ne voulait pas entendre les appels à l’aide de son père.
Il avait aussi essayé avec un de ses profs, mais encore une fois c’était un échec.
« Aah Madame Marcou, elle fait de l’effet à tout le monde à ce que je vois. » Merci monsieur le professeur de français pervers.
« Il est interdit de dire du mal d’une professeur aussi estimé que Madame Marcou, Monsieur Sullivan. »Merci encore monsieur le professeur de mathématiques qui s’apparentait plus à un nain qu’autre chose.
« Nous savons tous que votre imagination est sans limite, Duncan, mais il serait préférable que vous gardiez vos idées sordides pour vous jeune homme. » Ce n’était pas lui qui était sordide, monsieur le professeur d’histoire géographique à l’œil lubrique.
Duncan n’avait personne. Alors il a subi en silence. Après tout, ce n’était pas si terrible. Des bisous et des câlins… Il suffisait qu’il ne l’énerve pas, qu’il dise ce qu’elle voulait entendre et tout allait pour le mieux. Et il a tenu toute sa deuxième année de la sorte. Ne manquant pas de prier tous Dieux possibles pour ne plus l’avoir l’année suivante. Le sort s’était décidemment acharné sur lui, car elle resta son enseignante. Et à ses treize ans, ce ne fut plus seulement des étreintes, des caresses et des baisers. Enfin, si, mais bien plus poussé, écœurant de plus belle le garçon. Trop fébrile pour se défendre.
Elle lui vola tout, ses premiers baisers, ses premières caresses, ses premiers moments intimes. Et bien qu’on dise que cela permet à un homme de gagner en assurance et prestance, ce fut tout le contraire pour Duncan qui se renferma de plus belle, son somnambulisme s’intensifiant tout autant, ne parlant presque uniquement à Cortex, même trop fatigué pour s’occuper de son père. Il luttait à nouveau, donc avait à nouveau droit à des coups, il la détestait et jamais personne n’avait voulu l’écouter. Après tout, qui allait préférer croire le dérangé isolé à la jolie professeure adorable ? C’était couru d’avance.
C’est justement la fatigue qui le poussa a retenter d’en parler avec son père. Mais alors qu’il rentrait un soir, il le vit au plus bas, en pleurs, assis à même le sol, son téléphone dans les mains. Duncan se tut, restant à ses côtés, lui frottant le dos jusqu’à ce qu’il parle :
« Elle est plus là Duncan… » « Ouais bah ça fait un p’tit moment Paps… » « Tu ne comprends pas… Elle est morte… » « Ah bah alors mon hypothèse 56 était bonne ! » « Quoi ? » « Bah j’ai deviné que tu m’avais ment-… caché la vérité quand j’étais gosse et qu’elle était morte et que voilà. » « Mais non… Elle vient de mourir… » « Ah merde… Désolé… Euh… Toutes mes condoléances Paps… Mais elle servait pas à grand-chose hein… On a jamais eu besoin d’elle Paps… Arrête de pleurer Paps. » « Je l’aimais nigaud… » « Désolé Paps… »Il resta avec lui, lui fournissant toujours ses jolies bouteilles, le réconfortant en essayant de comprendre ce qu’il baragouinait, déblatérant ses souvenirs avec elle, des choses que jamais Duncan n’avait entendu, le laissant de glace. C’est aussi grâce au taux d’alcoolémie bien trop élevé de son paternel qu’il apprit que sa mère était en réalité partie parce qu’elle n’assumait pas son accident, aka Duncan, qu’elle voulait profiter de sa vie et avait pensé partir avec son mari en confiant Duncan. Mais son Paps avait refusé, bien trop attaché à son fils. Alors elle était partie seule, gardant contact avec celui qu’elle appelait l’amour de sa vie, continuant de le détruire au fil des années, priant pour qu’il la rejoigne. Mais jamais il ne l’avait choisi elle, plutôt son fils, même si cela l’avait détruit. Comment se sentir après cela ?
Ce soir-là, Duncan pleura. Pour la première fois depuis son enfance. Non pas pour ce qu’il avait appris. Non pas pour la perte de sa mère, il ne la haïssait qu’un peu plus après cela. Non pas parce qu’il n’avait pas pu parler à son père. Pas non plus pour l’état de son père, se sentant juste désolé pour lui et s’en occupant jusqu’à ce qu’il sombre, assommé par l’alcool et la peine. Il pleura parce que, lorsqu’il remonta dans sa chambre, ce fut pour trouver Cortex sans vie dans sa cage. Et ça c’était trop.
Chapter III
Malheureusement pour Duncan, les femmes n’allaient pas cesser de lui mener la vie dure, ce même vers la fin du collège. Car bien qu’isoler, en grandissant, les regards des demoiselles furent attirés par sa jolie bouille, son côté mystérieux et ses beaux yeux. Mais il ne les aimait pas pour autant, après tout, elles étaient toutes bien trop pots de colle, insistantes et inintéressantes. Bien trop superficielles et ne cherchant jamais à le connaître se contentant de son physique. Il espérait vraiment que ses froids :
« Mais lâchez-moi bordel de shit… »Les fassent fuir, mais en vain. Alors il se renferma de plus belle. Et cette Madame Marcou qui persistait à avoir cette emprise malsaine sur lui… Il n’appréciait en rien ce qu’il devenait, ce qu’elle le faisait devenir. Il était faible, il n’arrivait pas à se sortir de ses griffes par ses propres moyens, il avait plutôt l’impression de s’enfoncer qu’autre chose et ça l’écoeurait.
Mais tout à une fin, même les peines, bien que pour celles-ci, le bout de la route est bien plus difficile à atteindre… Il allait enfin découvrir ce qu’il était vraiment. Ce défaut qui lui avait toujours terriblement manqué. Duncan allait enfin découvrir ce qu’il était réellement. Même si avec cette belle découverte, vint une perte terrible…
Ne pouvant vivre sans sa souris, il alla s’en acheter une nouvelle. La nommant Cortex, comme la première, bien décidé à en avoir tout une lignée, sachant parfaitement que chaque Cortex serait différente de la précédente mais pas moins intéressante. Et cette Cortex, elle était si petite, si câline, si fragile. Aussi fragile que lui… Il s’y attacha de suite, trouvant ce même réconfort qu’avec sa première souris, retrouvant lentement le sourire, l’entraînant devant son père, arrivant même à lui faire décrocher des sourires malgré ses yeux rouges et son haleine puante. Il l’aimait cette Cortex, tellement.
Mais elle n’aimait pas être seule, elle s’était rapidement habituée à la présence de Duncan, trouvant automatiquement refuge dans ses capuches, ses poches, son cou et parfois même, le sommet de son crâne. Et elle avait un regard si expressif qu’il céda et l’emmena au collège avec lui. Grossière erreur… Duncan avait pour habitude de se cloîtrer dans une salle d’étude qui n’était jamais vraiment utilisé. Qui viendrait l’embêter ici ? Il avait été niais de croire que sa professeure ne le suivrait pas, lui laisserait une semaine de répit. Après tout, elle ne travaillait pas les vendredis… Du moins, d’ordinaire…
« Tu sais Cortex, ça pourra pas être tout le temps comme ça… La semaine prochaine il faudra que tu restes sagement à la maison d’accord ? »Il pointait un doigt qui se voulait autoritaire vers sa souris, allongé à même le sol face à elle. Sa réponse fut qu’elle vint se lover contre son doigt, grimpant difficilement sur son poing pour s’y rouler en boule, lui faisant esquisser un sourire attendrit. Il se secoua la tête et l’attrapa pour la reposer face à lui, tentant du mieux qu’il pouvait de ne pas céder à ses grands yeux larmoyants d’avoir été ainsi rejetée.
« Je suis sérieux Cortex… Moi aussi je t’aime mais c’est dangereux ici. Puis normalement j’ai pas le droit de t’emm-… »Il vit un pied s’abattre sur Cortex, l’écrasant dans un couinement horrible. Une chaussure rouge à talon haut, une chaussure désormais tachetée du sang de sa souris. Duncan ouvrit des yeux horrifiés en se rendant compte de ce qu’il s’était passé, que quelqu’un venait de tuer sa Cortex. Non. Pas quelqu’un. Elle. Cette professeure perverse et pédophile. Il leva des yeux noirs et embués vers elle, mais n’eut pas le temps d’ouvrir la bouche pour cracher toute sa haine et sa colère. Le sac de Madame Marcou vint frapper le crâne de Duncan.
« Alors comme ça avouer tes sentiments à un nuisible dégoûtant c’est possible, mais à moi non ?! »Il se roula sur lui-même pour se protéger au mieux des coups, sa colère faisant taire la douleur, sa rage le faisant fulminer alors qu’il se redressait lentement malgré les attaques de la femme. Elle continuait de lui hurler dessus, attrapant un cadre pour lui écraser sur le dos, le faisant gémir en sentant un morceau de verre se ficher dans son omoplate. Il l’attrapa pour le retirer d’un coup vif, ne faisant pas attention au gel qui vint recouvrir sa blessure, ni même qui glaça le sang sur la pointe qu’il jeta au loin.
« Mes sentiments pour vous… »Cracha-t-il, la faisant arrêter ses élans de violence, une lueur d’espoir stupide se lisant dans son regard dénué de raison. Elle le fixa, attendant la suite, se moquant du regard sombre et dur qu’il lui assignait. Il serra les poings en pestant froidement :
« Ce ne sont de la haine, du mépris et du dégoût. Rien de plus. Jamais rien de plus. Vous êtes écœurante, folle et même pas jolie. »Elle lui cracha à la figure avant de lui agripper les cheveux, commençant à l’injurier et allant pour reprendre les coups. Mais ce fut à son tour de pousser un cri de douleur lorsqu’il lui attrapa le poignet avec force. Sa poigne était forte, l’étonnant lui-même, mais ce qui le surprit tout comme elle fut de voir cette fumée glaciale s’échapper de leur contact. Elle se dégagea presque aussitôt. Des engelures couvrant la peau de son poignet, lui faisant dessiner une grimace de douleur.
« Tu es un monstre… » Hurla-t-elle avant de fuir, mais il la suivit, répétant sans la lâcher du regard, ses poings se serrant à nouveau avec force, le gel continuant de s’en échapper.
« C’est vous le monstre. C’est vous le monstre. C’est vous le monstre. »Elle se précipita vers la sortie, allant pour appeler à l’aide une fois arrivée dans la rue, il tendit les mains comme par réflexe, une plaque de verglas apparaissant comme par magie devant elle, la faisant perdre l’équilibre dans un nouveau cri strident, s’étalant sur la rue alors qu’une voiture arrivée à toute allure…
« Adieu Madame… »Cracha-t-il avant de retourner dans la salle, ne se préoccupant pas des cris tout aussi insupportable de la conductrice ni de la petite foule qui commençait à s’approcher du corps de la professeure. Aux yeux de tous, c’était un accident. Aux yeux de Duncan, il s’était enfin débarrasser d’un véritable nuisible. Il alla dans la salle et récupéra ce qu’il restait de Cortex. Il pleura à nouveau, ce jusqu’à ce qu’il la ramène chez lui, filant dans le jardin pour l’enterrer aux côtés de Cortex première du nom. Il resta là, sans bouger, fatigué, regardant ses poings qui fumaient toujours, les fixant, le gel imprégnant les plissures de sa peau dessinant des reflets qui l’apaisèrent doucement, la fumée se modelant en flocons qui le firent même esquisser un sourire.
« Duncan ? » Il ferma de suite les mains, le soir était tombé sans qu’il ne s’en rende compte, le gel et les flocons disparurent aussi soudainement. Il se tourna pour voir son père accompagné de deux officiers de police, le faisant froncer des sourcils. Ils traversèrent le jardin pour le rejoindre. Le regard de son père le marqua tout particulièrement, il était livide et effrayé, avec une pointe de culpabilité qui lui piqua le cœur, il essaya de parler en vain, alors ce fut l’un des deux hommes qui le fit :
« Duncan, nous avons juste quelques questions, tu connaissais Madame Marcou n’est-ce pas ? » « Ah ça, pour la connaître… » Il sentit le malaise de son père s’intensifier le faisant de plus belle froncer les yeux, il le vit s’accroupir face à lui et lui caresser la joue, une vive douleur traversant son crâne. Il avait complètement oublié les coups qu’elle lui avait assénés quelques heures plus tôt. Il n’avait pas non plus senti le gel de sa plaie fondre et se remettre à saigner.
« C’est elle qui t’a fait ça ? »Ce fut au tour de Duncan de perdre sa couleur et de se la jouer bonhomme de neige avec son père, ouvrant la bouche sans prononcer le moindre son. Le policier vint s’accroupir à son tour, ils avaient l’air tous bien malins, à même le sol, devant deux petites tombes pour souris…
« Duncan, nous avons retrouvé des clichés de ta professeure avec toi dans son portefeuille… » « Ah… C’est vrai… Les photos… » « Depuis combien de temps ça dure Duncan ? » « Euh… Les photos ? J’en sais rien. » « Non… Depuis combien de temps Madame Marcou est… » « Elle est sur moi ? Depuis la première année de collège. Enfin surtout la deuxième, mais voilà quoi. » Il pouvait enfin en parler, on lui demandait enfin, et ces policiers ne semblaient pas le prendre pour un fou ou un garçon plein d’imagination sordide. Les traits de son père par contre n’avaient cesse de se creuser. Alors Duncan se secoua niant de la tête vivement en voyant ses larmes.
« Ah ! Paps pleure pas ! Je… Je te l’ai pas dit parce que je voulais pas t’inquiéter. Avec la mort de Mams tu avais déjà assez à gérer. Puis elle faisait que de dire que jamais personne me croirait, puis… puis… pleure pas Paps ! »Bien sûr, Duncan détournait la vérité, il savait que si la police savait qu’il en avait déjà parlé à son père, alors il aurait des soucis. Et il n’avait pas envie que son Paps ait plus de soucis. Il le serra contre lui pour le rassurer, écoutant d’une oreille les policiers qui parlaient de la mort ‘accidentelle’ de la pédophile. Tout se passa ensuite très vite, encore et toujours des questions, l’hôpital pour ses plaies, encore des questions sur le retour jusqu’à ce qu’on les laisse enfin seuls tous les deux.
Cette nuit, ce ne fut pas à cause du somnambulisme que Duncan se retrouva aux côtés de son père, celui-ci était au salon à boire encore pour oublier.
« Paps… Ce n’était pas un accident… » « Duncan… » « Je sais pas, je me suis transformé en Mister Freeze tu sais… Mais sans l’armure moche ni le pistolet givrant… » « Tu veux dire… » « Je sais même pas ce que je veux dire en fait… » « Moi je sais… tu es comme ta mère… Un kitsune. » « A tes souhaits. Comme Mams ? » « Un kitsune. » « Donc t’as pas éternué. » « Non je n’ai pas éternué nigaud. »Leur conversation dura toute la nuit, la plus longue qu’ils n’aient jamais eue. Et pourtant, son père ne savait rien des kitsunes. Rien de bien concrets. Lui n’était qu’un simple humain qui s’était épris de cette femme qui avait fini par lui avouer ce qu’elle était. Qui avait mis naissance à ce fils dont elle ne voulait pas et qu’elle était morte apparemment chassée. A moins qu’il soit courant de se suicider en se plantant une barre dans le cœur. Et bien que Duncan ait désormais un nom sur ce qu’il était, il n’en restait pas plus avancé. Car ni lui, ni son père ne savaient clairement ce que cela impliquait…
Chapter IV
Duncan était très loin d’avoir la classe et l’assurance de Mister Freeze. Vraiment très loin. Autant dire qu’il était l’opposé parfait de ce vilain. Bien qu’il ne soit pas non plus du genre à user de ses pouvoirs pour être un ange gardien.
Il devait apprendre seul, son père ne parvenait pas à l’aider, ne connaissait presque rien de ce qu’était son fils et le jeune homme craignait trop de lui faire du mal pour le laisser assister à ses séances d’entraînement. D’entraînement… De bordel complet plutôt… Ses pouvoirs agissaient en fonction de ses émotions. Autant dire que Duncan éprouvait quelques difficultés à les contrôler, aussi bien ses émotions et donc ses pouvoirs de kitsune de glace. Il aimait ces capacités, il rêvait de les maîtriser, de pouvoir faire tant avec. Mais c’est toujours plus simple à dire qu’à faire.
Mais avec cette découverte de nature, le caractère de Duncan connu quelques modifications. Il ne restait plus silencieux lorsque d’autres se moquaient de lui ou jouaient un peu trop avec ses nerfs, se servant de son sarcasme et sa franchise pour les remettre à leur place ou fermer leurs clapets. Mais c’était aussi et surtout pour que son énervement ne soit pas si fort qu’il l’emporte et crée de nouveaux ‘accidents’ comme avec Madame Marcou… Sachant qu’il risquait de s’emporter, de les attaquer, de leur faire du mal, il préférait s’isoler de plus belle sans pour autant leur laisser plus de chances de s’acharner sur lui et finir par le traiter, eux-aussi, de monstre.
Il avait désormais Cortex troisième du nom pour le soutenir lorsqu’il allait s’entraîner à l’extérieur de la ville, à l’abri des regards. A chaque fois qu’il arrivait à faire autre chose qu’un tas de neige ou du verglas sur lequel lui-même glissait, lorsqu’il arrivait à contrôler un peu ce qu’il produisait pour faire des esquisses de gel ou des stalactites qui venaient se ficher dans des troncs d’arbre alors son visage s’illuminait et il sautillait en tous sens en serrant Cortex contre lui. La souris ne comprenant pas grand-chose mais s’amusant parfois à aller creuser des tunnels dans les amas de neige qui apparaissaient çà et là dans les champs où Duncan l’emmenait.
Il assistait toujours aux cours, même s’il n’appréciait en rien les regards qu’on lui jetait et les murmures qui suivaient ses passages. Ça s’était su… Sa ‘relation’ avec la professeure d’arts plastiques. Ils les entendaient ces adolescents qui le plaignaient ou alors l’accusaient de mentir et à chaque fois, il sentait son sang se réchauffer, sa colère monter, alors il se gelait les mains, espérant que cela le calmerait. Bien sûr, il fallait qu’il soit immunisé contre la glace… Sa solution ? Se plonger la tête sous l’eau. Moins frai mais le contact était tout de même appréciable.
Il pensait plus apprécier le collège maintenant que Madame Marcou n’était plus là pour l’abaisser et lui pourrir la vie, mais ce ne fut pas le cas. Certes, sa vie restait bien plus simple, son père réduisait sa consommation d’alcool, les blessures de Duncan disparaissaient lentement, mais malgré ces changements, l’école lui faisait toujours pousser ce soupir las. Il ne rêvait que d’une chose. Partir, S’en aller loin et ne plus voir ces gens qui l’insupportaient.
Il fêtait enfin son quinzième anniversaire, le collège touchait à sa fin, il allait enfin pouvoir respirer. Comme toujours, il était seul avec son père pour son anniversaire, ne manquant pas de remarquer son regard triste aux pensées de ses premiers anniversaires, l’écoutant sagement parler de sa femme, mais lui la haïssait toujours autant… Elle ne lui manquait pas le moins du monde. Il avait eu assez des problèmes causés par des femmes pour toute une vie. Déjà si jeune et une idée bien arrêtée sur le sexe opposée. Pourtant, il ne faut jamais mettre tout le monde dans le même bateau… Disons plutôt qu’il se méfiant et prenait de grandes précautions avec les demoiselles désormais… Et même malgré cela, le futur allait lui réserver bien des surprises.
« Dunky, t’es dans tes pensées… » « Sorry Paps, on se fait des Marvel alors ? » « C’est ton anniversaire. Mais tu veux peut-être ton cadeau avant ? » « Mon cadeau ? » « Oui, je t’en ai fait un… » « Tu me fais jamais de cadeau Paps. Il se passe quoi ? Tu vas crever?! » « Tu sais que t’es fatiguant des fois… Non, tu vas devoir me supporter encore quelques temps, désolé pour toi. Juste j’ai pensé que ça te ferait du bien… Que ça t’occuperait et te changerait peut-être les idées… » « Euh… C’est pas du porno ton cadeau, parce que tu sais que je fais pas dans les nanas hein… » « Je veux pas savoir, et non rien à voir, après tu prends ce que tu veux en photos, je veux pas savoir non plus… » « En photos ? »Son père lui tendit un paquet, Duncan ne prenant pas la peine de déchirer le papier avec précaution, l’arrachant tout simplement, ouvrant la boîte à la volée, découvrant un vieux polaroid série 300 avec des recharges. Un sourire étira ses lèvres alors qu’il tournait l’objet dans ses mains avec une certaine curiosité.
« Je sais, c’est un vieux truc, mais ça pourrait te plaire… » « C’est génial Paps, tu rocks. Merci ! » « J’ai pas toujours rocksé alors je te dois bien au moins ça… » « On s’en fout du passé Paps. On le test ? » « Euh… »Duncan n’attendit pas vraiment une réponse se posant à côté de son père, attrapant l’appareil dans une main pour prendre une sorte de selfie vintage avec son Paps. Le film sortit et il le récupéra le secouant un peu avant de fixer le papier blanc se colorer lentement. Le rire de son père le fit sourire.
« T’as encore besoin de t’entraîner… » « Bah quoi ? Ils sont magnifiques nos fronts moi je trouve… T’as vu comment on se ressemble du haut du crâne ? » « Heureusement pour toi y’a que ça que tu tiens de moi… » « Tu sais Paps, je suis sûr que je tiens plus de toi que tu ne le penses. » « Peut-être Dunky. Peut-être… »Et ils finirent leur soirée ensemble, à discuter, à regarder des films que le père du garçon ne suivait pas réellement, s’amusant des explications sans queue ni tête de son fils, finissant par aller se coucher. Jusqu’à ce que le somnambulisme de Duncan ne le fasse se mouvoir avant de venir s’étaler sur la bedaine de son père, réveillant ce dernier, le faisant soupirer dans un sourire en ébouriffant les cheveux de son fils endormi.
« Tu changeras jamais mon grand… » Ne le ramenant pas pour autant dans son lit, il le laissa dormir à ses côtés, appréciant retrouver à ces instants, son petit garçon disgracieux.
Chapter V
Autant dire qu’il usa vite son polaroid. Duncan se plut très rapidement dans la photographie, y découvrant une passion dont il n’aurait jamais réellement deviné l’existence. Il s’y investissait beaucoup et à son arrivée au lycée, il commença à trouver de petits boulots pour s’acheter du matériel plus performant. Ce n’était pas facile, mais son père avait vu juste, Duncan trouvait une échappatoire dans la photographie. Car même s’il n’en parlait jamais et tourner cette relation malsaine au ridicule, elle l’avait marqué, blessé, brisé. Il ne le montrait tout simplement pas, il suffisait de le voir caresser du bout des doigts sa cicatrice à l’omoplate pour le comprendre. Pour deviner que ce fantôme était encore bien ancré dans son crâne et sa vie.
Avant d’entrer au lycée, il lui arrivait parfois de se réveiller, ou plutôt d’être réveillé, à l’entrée du collège ou sur le chemin. Il avait toujours ce regard trouble et blessé lorsqu’il réalisait, avant d’esquisser un large sourire amusé, feignant la gêne pour ne pas avoir de questions. Alors les questions prirent fin, ses rendez-vous chez le psy aussi, il ne tirait de lui que ce qu’il acceptait de dire, il n’aimait pas parler de lui, de ça, de rien d’ailleurs.
Mais la photo… C’était autre chose. Il enchaînait les clichés. Des étrangers, des personnes qu’il connaissait, des endroits, des paysages, des objets… Ceux-là, il acceptait de les montrer à son père. Excepté ceux qu’il prenait de lui, plus sombres et étranges. Usant parfois de ses dons pour donner des effets étranges à ses prises. Ça lui permettait tout simplement d’extérioriser sans avoir à mettre de mots sur ce qu’il ressentait.
« Duncan ! C’est toi qu’a encore congelé le paquet de céréales ?! » « Ce sont mes céréales Paps. »Alors qu’il maîtrisait de plus en plus la photo, il en était de même de ses pouvoirs. Ce n’était pas aussi flagrant, pas aussi gracieux et parfait, mais tout de même, il éprouvait un peu plus d’aisance dans leur usage. Et il savait que cela était dû à son échappatoire. Il se maîtrisait un peu plus, ses émotions surtout, alors il parvenait à mieux comprendre leur fonctionnement et découvrait toujours de nouvelles possibilités ou aptitudes. Certes, ses entraînements restaient toujours aussi brouillon… Alors qu’il aurait dû se focaliser sur une forme de son pouvoir pour la dompter avant de passer à une autre, il faisait un joli mélange enfantin de tout… Il se retrouvait toujours à mordre la poussière à cause de ses propres jet de gel ou de boule de glace… Mais il n’en perdait pas le sourire. Loin de là.
Son père était soulagé de le voir sourire, du moins de percevoir son vrai sourire, car même le regard embrumé par l’alcool, il ne se laissait plus berner. Il s’en voulait toujours autant d’avoir laissé son fils subir de la sorte pendant tant d’années. A plusieurs reprise le senior Sullivan a cherché à arrêter l’alcool, à être plus présent pour son fils, mais sa peine avait toujours raison de sa détermination. Les Sullivan ont toujours été de grands émotifs. Le père faisait plus dans la douleur et la tristesse que le fils. Il suffisait qu’il pose le regard sur les plaies de son fils, sur son regard, au fond, vide ou encore sur une photo de sa femme pour que ses souvenirs et sa culpabilité le submerge, le faisant irrémédiablement rattraper le goulot d’une bouteille.
Jamais Duncan n’a cherché à forcer son père. Il était loin de l’encourager, tentait parfois de le dissuader, mais savait au fond qu’il en avait besoin, même si ça lui faisait du mal de le voir en tel état, il savait aussi qu’il était bien pire lorsqu’il était sobre. Et le garçon craignait parfois plus pour la vie de son père lorsqu’il n’avait pas d’alcool dans le sang que l’inverse… Il suffisait de l’écouter pour savoir que des idées sombres courraient au fin fond de son crâne. Duncan s’en était réellement rendu compte peu de temps après la mort de Madame Marcou. Alors que son père avait laissé tomber les jolies bouteilles depuis quelques jours. Et ce fut la première fois que Duncan eut réellement peur de perdre quelqu’un. Il ne l’avait pas dit clairement, il n’avait pas eu besoin de mots, Duncan avait deviné à le voir errer le regard vide et pourtant si lourd de signification. Alors le garçon avait fait face à son père, se faisant malheur pour contenir les tremblements de sa voix.
« Paps. T’as pas le droit de m’abandonner toi. » « … » « Promet-le moi. » « Dunky… » « Y’a pas de Dunky qui tiennent, promet-le moi. » « Je… » « Promet. Sinon je te transforme en sculpture de glace et tu pourras plus bouger et tu seras forcer de manger de la soupe pas bonne que je sais très bien faire. » « Quelle menace. » « Je veux pas que tu t’en ailles toi, alors promet. » « Je te le promets Duncan. » « Bien. Tu peux aussi me promettre autre chose ? » « Quoi ? » « De pas m’en vouloir d’avoir encore pris le frigo pour les toilettes hier… » « Chacun son tour… » « On est dégueulasses… » « Tel père tel fils. » « Bon t’es fier de moi alors. » « Je le serai toujours. »Leur complicité ne périssait pas avec le temps, bien au contraire, elle n’avait cesse de se renforcer. Duncan faisait de son mieux pour aider son père et ce-dernier essayait de limiter ses vices de boisson. Il appréciait que son fils soit là pour lui, mais espérait aussi qu’il ait sa vie à lui, qu’il voit plus de monde, qu’il se fasse des amis. Ce n’était malheureusement pas au programme pour Duncan…
Chapter VI
Duncan a toujours attiré les regards, son comportement froid lui en a attiré beaucoup de mauvais, une réputation pas très flamboyante lui collant à la peau. Mais ça lui convenait, il se moquait des rumeurs, des ‘on dit’ ridicules, ou autre, au moins, on le laissait en paix. Ce fut pareil au lycée, au moins il n’entendait plus de celles concernant son temps avec sa professeure, c’était déjà ça de moins.
Duncan n’attendait pas grand-chose de cette période scolaire, il ne faisait attention à personne. Du moins, jusqu’à sa dernière année… Il ne s’y était tout simplement pas attendu. Il l’avait déjà vu plusieurs fois, le croisant du regard, le classant dans la catégorie des types populaires du bahut. Il l’avait catégorisé, tout simplement, imaginant son caractère comme celui qu’il laissait paraître, d’un mec assuré qui sait où il va, ce qu’il dit et ce qu’il fait. Jamais il n’aurait cru qu’il le surprendrait de la sorte. Qu’il l’intriguerait et l’attirerait encore moins…
Il était sorti plus tard du bâtiment, s’étant amusé à prendre quelques clichés des salles vides illuminées par le coucher du soleil. Il appréciait le calme qui régnait après la tempête bruyante des étudiants. Duncan était donc sorti, Cortex numéro 4 perchée au sommet de son crâne, sifflotant distraitement jusqu’à ce que des murmures lui parviennent, Sa curiosité eut raison de lui lorsqu’il le vit, ce type perché en haut des escaliers menant à l’entrée du bâtiment principal, cette expression qui ne lui faisait apparemment jamais défaut au visage, répondant rapidement avant de mettre fin à sa conversation.
Si Duncan était parti à cet instant, il n’aurait pas changé de point de vue à son égard, mais il est resté, sans trop savoir pourquoi. C’est là que l’expression du lycéen a changée du tout au tout. Un regard plus profond, une expression plus sincère, lâchant un soupir que le p’tit renard interpréta comme de la lassitude. Par automatisme, Duncan glissa son œil derrière l’objectif, immortalisant cette expression qu’il ne se serait jamais attendu à voir sur ce visage. Il n’arriva pas à détacher son regard de lui alors qu’il partait sans même l’apercevoir.
Ce fut Cortex qui sortit Duncan de sa fixette, lui mordillant l’oreille :
« Ouais moi non plus je sais pas… Tu le trouves pas intriguant au final ? Il l’est quand même un peu… C’était peut-être qu’aujourd’hui… On verra demain, t’en dis quoi ? Okay arrête de me mordre, j’ai reçu cinq sur cinq, c’est l’heure de manger. Tes ancêtres étaient moins gourmandes ma grande… »Il s’attendait d’autant moins à ce que le lendemain il lui découvre une nouvelle expression d’autant plus intrigante. La semaine suivante aussi. Voilà qu’il collectait quelques clichés de lui.
« Mon vieux, tu deviens stalker. C’était pas dans tes projets pro ça… »Heureusement, le lycée touchait à sa fin et avec ça, Duncan avait espéré ne pas recroiser le type dont il ne connaissait toujours pas le nom. Il espérait être vacciné. Certes, le garçon avait déjà été attiré par des mecs, il avait eu quelques relations sans lendemain, ne s’investissant jamais réellement, mais quelque chose chez celui qu’il avait immortalisé sur sa pellicule l’intriguait un peu plus. Bien qu’il restait persuadé ne jamais avoir de réponse à ce sentiment de curiosité, ne s’attendant pas à le recroiser à l’avenir.
Son entrée à l’université fut tout aussi similaire que les autres rentrées de classe. Une jolie crise de somnambulisme la veille, un bisou à sa nouvelle Cortex, une mine neutre en passant les portes, fiché à l’arrière de l’amphi et basta. Les premiers mois passèrent plutôt vite, les cours l’intéressaient bien plus que ceux du lycée, pouvant se dédier entièrement à l’apprentissage de la photographie et découvrant de nouvelles techniques qui lui firent oublier son modèle photo inconnu et secret.
« Pour le devoir de ce semestre, nous allons travailler en collaboration avec une autre promotion… » « blablabla… » « A l’appel de votre nom venait rejoindre votre binôme et vous pourrez vous mettre au travail. » « Je pourrais essayer de faire un parc d’attraction en glace pour toi ce soir Cortex, t’en dis qu-… » « Duncan Sullivan et Newt Edmunds. » « Allons voir qui je vais devoir supporter… Souhaite-moi bonne chan-… Et merde… »Cortex avait filé se caché dans sa nuque, à l’ombre de sa capuche alors qu’il se redressait pour rejoindre son binôme, qui s’avérait, bien sûr, être le populaire pas comme les autres du lycée. Figeant Duncan un instant en le contemplant, il détourna les yeux avant de le rejoindre le dit Newt.
« Enchanté. » « Mmh… »Décidément, ce devoir universitaire allait lui réserver bien des surprises… Opposés parfaits l'un de l'autre, comment auraient-ils pu s'entendre... Et pourtant, on dit bien que les opposés s'attirent. Mais Duncan ne voulait rien entendre, pour l'instant tout ce qu'il voulait c'était découvrir à nouveau ses vrais expressions et pas ce masque qu'il semblait revêtir en continue...