Il fallait qu’il se bouge, il ne pouvait pas rester éternellement ainsi à ressasser ce qu’il avait appris ces derniers jours. Rebekah qui n’avait rien d’humain, le monde qui n’avait rien de normal et ces gens qui l’entouraient qui étaient bien plus suspects qu’il n’aurait pu le croire possible… Autant l’avouer, son monde avait complètement changé, tout était sans dessus-dessous et ça le fatiguait. À croire qu’il aurait finalement préféré ne rien savoir, ainsi tout aurait été plus simple, il n’aurait pas perdu de temps à questionner sa vie, son passé, son présent et autres joyeusetés. Mais il fallait qu’il s’y remette, très peu enclin à laisser ce petit, ou plutôt gros, détail mettre en péril ce qu’il avait réussi à monter de ses propres mains. Sa fierté, sa réussite, la seule chose qui comptait vraiment, sa boîte, son enseigne, son travail. Caleb se prépara donc en vitesse, décidé à arriver tôt pour superviser l’arrivée des stocks et la mise en place de la soirée. Fort heureusement, c’était une petite soirée en semaine, de quoi se remettre facilement dans le bain. C’était le moins qu’il puisse faire après avoir raté ces deux derniers jours de travail. Personne ne lui avait rien demandé, après tout, il n’avait jamais pris un seul jour de congé, donc cela prouvait de soi-même que c’était important. Il espérait juste retrouver sa boîte debout et en état…
Il ne put s’empêcher de pousser un léger soupir de soulagement en la voyant toujours sur pieds et présentable. Oui, Caleb était inquiet, il faut dire que, comparé à Chicago, qui était entre de très bonnes mains, il n’avait pas trouvé des employés des plus motivés et impliqués dans ce qu’ils faisaient… Entre Sam et Nathan qui jouaient les abonnés absents ces derniers temps, voilà qu’il lui manquait une serveuse-barmaid et un barman. Emmanuel qui arrivait tous les soirs avec une tête délavée et qui semblait parfois, voire souvent, dans la lune ces derniers temps. Izzy qui délaissait que trop souvent son plateau pour jouer à la danseuse sur le comptoir ou le podium. Ethan qui bâillait ouvertement au vestiaire… Il n’avait que les DJ qui s’impliquaient, donc Lun, Jade et Gabriel… Il restait Anna. Elle lui avait tout de suite plu par son enthousiasme, ses idées, ses compétences et son implication dans son travail. Mais, au fil du temps, il avait aussi découvert qu’elle restait un électron un peu trop libre à qui il plaisait très peu qu’on lui donne des ordres… Son désir de responsabilités et d’évolution prenant souvent le dessus. Il espérait juste qu’elle coopérerait ce soir. Il n’avait en rien la tête à se perdre dans des discussions sans fins et des embrouilles dès son retour.
Caleb fit le tour du bâtiment et aida à décharger les cartons, pestant silencieusement en remarquant que ce n’était toujours pas fini, voyant Emmanuel seul et encore une fois dans un sale état : « Tu carbures à quoi toi… Je t’interdis de tomber dans les pommes, t’es le seul barman qu’on a ce soir… » Voilà qu’il manquait cruellement de personnel avec ses deux fantômes… Il y avait longuement réfléchi avant de finalement décider qu’Emmanuel serait derrière le comptoir, bien plus sécure que de lui mettre un plateau dans les mains… Izzy et Anna dans la salle et que lui-même irait sur tous les fronts. Caleb fronça des sourcils en voyant qu’eux seuls déchargeaient le camion : « Me dis pas qu’Anna fait encore la gueule… Et elle est où encore Izzy ? » Grommela-t-il en laissant Emmanuel finir pour filer dans la salle. Anna était bel et bien là, au moins elle ne jouait pas les retardataires comme Izzy pour prouver son mécontentement, mais disons juste qu’elle se tournait les pouces au lieu de participer et aider à l’ouverture de la boîte. Il poussa un soupir en la rejoignant, faisant le tour de la salle pour installer les chaises autour des tables : « Tu sais, j’ai cru que tu gagnerais en maturité pendant mon absence, mais à croire que je me suis encore une fois gouré sur toi. » Il se frotta le front en finissant son tour par les tabourets du bar : « J’imagine que t’as aucune envie de faire du plateau ce soir, que tu boudes parce que t’es mieux derrière le comptoir et que t’as décidé de me le faire payer en me donnant du retard ? » Question plus rhétorique qu’autre chose qui lâcha froidement en poussant les pieds d’Anna du comptoir pour le nettoyer. « Mais je t’en prie, lâche-toi, fais part de ton mécontentement et comme ça, on pourra peut-être enfin te voir travailler une fois que tu seras vidée. » Grommela-t-il en lui jetant un coup d’œil mécontent en biais.