La soirée battait son plein et pourtant il était encore tôt. Il était d’autant plus tôt qu’encore une fois notre chère Isabelle était arrivée en retard au travail. Pourtant, cette fois, elle avait une bonne excuse. Une chasse qui avait traînait en longueur, pourquoi ? Parce qu’elle s’était mal déroulée, laissant la jeune fille frustrée et assez vexée, sentant déjà le regard réprobateur et dur de sa mère sur elle quand elle l’apprendrait. En bref, Izzy n’était pas au meilleur de sa forme et quand elle était ainsi, elle avait besoin de se changer les idées, raison pour laquelle elle avait passé plus de temps à se préparer, arrivant toute pimpante au Nowhere, mais avec prêt d’une demi-heure de retard. Le bisou claquant sur la joue de Caleb n’avait pas calmé le moral du patron et elle avait vite filé récupérer son plateau et prendre des commandes.
Plus le temps s’écoulait et plus Izzy avait tendance à cacher son plateau, préférant profiter un peu de la musique, danser un peu que de travailler. Pas sa faute, comme dit plus tôt, elle n’avait vraiment pas passé une bonne journée. Elle profitait du dos tourné de Caleb ou filait vite lorsqu’il lui jetait un coup d’œil réprobateur. Très peu pensent retrouver le moral au travail, mais pour Izzy son travail était son statut de chasseuse, celui de serveuse était loin d’être aussi fatiguant, c’était plus l’occasion pour elle de s’amuser et s’aérer la tête. Sinon elle n’aurait pas cherché un travail. C’était ici qu’elle avait eu le plus de délires, qu’elle s’était le plus amusée, épanouie et surtout, qu’elle avait rencontré le plus de personnes adorables. Ce soir n’allait pas être différent.
Elle l’avait vu passer la porte de la boîte un peu plus tôt. « I spy with my little eye an interesting person over there… » Marmonna-t-elle pour elle-même. Elle n’écoutait pas Emmanuel qui lui répétait, encore et encore que ses cocktails étaient prêts et qu’elle pouvait filer, elle restait là, accoudée au bar, à suivre le nouveau venu dans la salle principale, tapotant son menton en le regardant de la tête aux pieds, mauvaise habitude de la jeune fille qui se poqua le front pour se punir. Mais elle ne pouvait pas non plus s’en empêcher, même si elle faisait de son mieux. Après tout, la jeune brune avait l’œil pour les gens qui ont du style. Alors lui, comment aurait-il pu passer au travers de son radar ? S’il y a bien une chose que notre jolie Isabelle aime plus que la chasse c’est bien la mode, les différents styles et bien sûr, le make-up. Lui, il avait la totale. Une certaine prestance, un style sortant de l’ordinaire, un maquillage qui l’embellissait de plus belle, et vu les commandes qu’il enchaînait, il avait l’air de savoir s’amuser. Autant le dire, elle savait déjà qu’elle allait l’apprécier. « Manu~ Tu lui ressers ce qu’il boit et tu le mets sur ma note s’il te plaît ! Il va être obligé de m’attendre pour papoter comme ça. » Sourit-elle entre deux commandes. Oui, les filles aussi peuvent payer des verres à des garçons, mais le but d’Izzy n’était pas de le charmer, mais de connaître le nom de son eyeliner et de sa superbe palette…
Elle se débarrassa donc bien vite de ses commandes en cours, le gardant dans son champ de vision, oubliant même de récupérer un de ses pourboires à une table. Elle vida son plateau en vrac dans les bras du pauvre Emmanuel, lui envoyant un bisou alors qu’il commence à râler, filant bien vite après avoir vérifié que Caleb n’était pas dans la salle. Elle attrapa un autre plateau pour la forme, deux verres et s’arrêta à la table du garçon. « Alors ? Ils sont bons mes cocktails ? » Sourit-elle en se calant face à lui, lui donnant un cocktail, prenant l’autre après avoir trinqué, sirotant une gorgée avant de reposer son verre. Elle posa son menton sur ses paumes pour le dévisager de ses grands yeux papillonnants. « J’aime vraiment beaucoup, beaucoup, beaucoup… Je suis clairement en train de tomber amoureuse... » Dit-elle pensive. Elle se rendit compte qu’elle était carrément entre de le fixer et se secoua en rigolant : « Je parle de ton maquillage hein. J’ai déjà un crush pour quelqu’un d’autre. Mais là je commence à craquer pour ton fard à paupières… » Reprend une gorgée en arquant un sourcil : « Et pas que ! Tu as un style qui déchire, comment ça se fait que je ne t’ai jamais vu ici jusqu’à ce soir ? » Demanda-t-elle en tapotant de ses ongles contre la table, fronçant des sourcils d’un air boudeur : « J’aurai dû pouvoir forcer mon amitié bien plus tôt ! »

Il en était certain, cette fois, tout irait bien, il avait vidé son portefeuille pour ne se contenter que de quelques billets pour limiter sa consommation. Ainsi, il ne tomberait pas dans le piège de l’over-consommation, un verre entraînant le suivant, non-non.  Il s’était donc apprêté, de son mieux avant de sortir, prenant près d’une heure avant de se décider quel pantalon mettre, comme à l’époque où il sortait avec Zephyr. Ce dernier lui manquait terriblement, et ces petits rituels étaient la seule façon de se remonter le moral, jouant avec sa palette et son eyeliner pour se décorer la figure. Evidemment, c’était lorsqu’il se retrouvait assis au bar, seul, qu’il finissait par devenir sérieusement mélancolique, et perdre son moral, le noyant lentement dans l’alcool. Mais passons, cette fois serait différente, il se l’était promis, simplement parce que le Nowhere était le dernier endroit servant de l’alcool où il était encore bienvenue. Et s’il n’avait nulle part où aller ensuite, comment pourrait-il renouveler ces petits rituels qui le faisaient se sentir mieux durant au moins quelques heures ?

Au Nowhere l’ambiance était bien animée, la musique sortait déjà des enceintes avec force se justifiant par l’heure avancée de la soirée. Il n’avait pas cherché à danser, ce genre de choses n’était plus pour lui depuis près de 7 mois maintenant. Il pouvait parfaitement se souvenir ces fois où il avait tapé du pied pour que Zeph danse avec lui, faisant le pitre pour qu’il ne se sente pas ridicule. Son regard balaya la piste de danse, sa mélancolie commençant par l’envahir. Son regard s’attarda sur une belle brune –aux allures de voltigeuse- avec un plateau à la main, circulant entre les clients. La demoiselle avait du style ! Il ne pouvait le nier. Il sourit en la voyant planquer son plateau pour retourner danser librement. Il était donc parti fumer une cigarette pour arrêter de fixer la piste de danse, et puis, tant qu’il fumait, il ne buvait pas. Quand il entra à nouveau, il s’était, cette fois-ci, -malheureusement pour lui- fait remarquer, par la demoiselle en question qui le regardait fixement accoudée au bar alors que Levi sirotait son cocktail, marmonnant dans son coin : « Ça va. Me fixez pas déjà. J’ai à peine bu. » Il n’en cru pas ses yeux quand, en déposant innocemment son verre au bar –pour se faire bien voir, pour une fois- le barman lui glissa un nouveau cocktail. « Euh… J’ai pas encore commandé. » Le barman lui sourit –bien qu’il semblait forcé- et lui répondit simplement : « Celui-là est offert, par la brune là-bas. » Il désigna la serveuse qui le fixait il y a quelques minutes avant de lui tourner le dos en retournant à son travail, faisant ronchonner Levi. « Pas ma faute moi. Suis même pas intéressé. » Ca ne l’empêcha pas de siroter son cocktail tout de même, un verre gratuit restait un verre gratuit, c’était à savourer. Levi observa la demoiselle qui finissait de distribuer ses commandes à la vitesse de l’éclair. Levi l’observait faire alors qu’il se faisait resservir aussitôt qu’il avait fini son verre. Elle revint au bar alors qu’il finissait son cinquième verre, et lâcha son plateau de verres vides, sans aucune compassion, dans les bras de son malheureux collègue. Puis rejoignit Levi à sa table, avec deux verres, en posant un devant lui et gardant l’autre dans la main. « Alors ? Ils sont bons mes cocktails ? »

Levi la dévisagea lentement, s’abstenant de lui demander pourquoi il avait eu le droit à temps de verres gratuits, l’ayant rendu un peu plus pompette. Elle lui sourit en s’installant confortablement en face de lui, en poussant son cocktail vers lui -comme pour l’inciter à boire- et sirotant une gorgée du sien après avoir trinqué avec lui. Levi l’avait imité sagement, attendant patiemment d’obtenir des réponses, espérant qu’elles viennent d’elle-même en dehors de la bouche de la brune. Cette dernière avait posé sa tête dans ses paumes en battant des cils vivement tout en l’observant. Levi avait l’impression d’être passé aux rayons lasers sous son regard et le rouge s’empara de ses joues alors qu’elle reprenait la parole : « J’aime vraiment beaucoup, beaucoup, beaucoup… Je suis clairement en train de tomber amoureuse... » Elle resta ainsi, pensive, le fixant d’une manière assez dérangeante, faisant bouger Levi sur sa chaise avec malaise en marmonnant : « C’est très gentil mais je suis pas… » Elle le coupa, si rapidement que c’était à se demander si elle l’avait entendu prendre la parole, se secouant dans un rire cristallin. « Je parle de ton maquillage hein. J’ai déjà un crush pour quelqu’un d’autre. Mais là je commence à craquer pour ton fard à paupières… » Levi lâcha doucement un soupir de soulagement. Ce n’était pas rare que son look soit remarqué. Pour ce qui était d’être apprécié, c’était un peu moins récurrent, ça lui faisait donc au moins un peu plaisir. Elle reprit après une gorgée, un sourcil arqué, le reluquant toujours : « Et pas que ! Tu as un style qui déchire. » Encore un compliment, c’était une caméra cachée ? « Comment ça se fait que je ne t’ai jamais vu ici jusqu’à ce soir ? » Demanda-t-elle en tapotant de ses ongles contre la table, fronçant des sourcils d’un air boudeur : « J’aurai dû pouvoir forcer mon amitié bien plus tôt ! »

Levi l’observa un long moment, après avoir pris la décision de la laisser finir, terminant son cocktail pour patienter. « C’est bon je peux parler ? » Il sourit alors qu’il pouvait enfin ouvrir la bouche sans avoir peur d’être coupé. « D’abord, merci. Et puis, oui, ils étaient bons. » Il poussa son verre vide vers elle. Il était peu raisonnable de se le faire remplir de nouveau, mais vu comme il était parti, un de plus ne lui ferais pas plus de mal. « Merci pour les compliments… J’espère que c’est pas une nouvelle technique pour décrocher plus de pourboires parce que je n’ai vraiment pas grand-chose sur moi… » Il fouilla ses poches pour la forme avant de la regarder en se rendant compte qu’il était absolument malpoli de ne pas rendre les compliments : « Ah et, euh… T’es pas mal non plus. Enfin, je veux dire. J’aime bien ton style… Aussi... » Il fronça des sourcils. Il n’était vraiment pas doué pour flatter les gens. Il n’avait jamais cherché à se retrouver quelqu’un après Zeph, et puis, ça ne faisait pas encore un an -il n’était vraiment pas remis. Même s’il l’avait été, il n’était pas sûr de se retrouver quelqu’un un jour –c’était déprimant. Et encore une fois, même si il le souhaitait, il aurait été incapable de charmer qui que ce soit avec ce genre de compliment. Il s’était retrouvé perdu dans son fil de réponses qu’il avait retenu tel un burger de la mort. Heureusement, sa dernière question lui revint finalement en mémoire –il pouvait encore boire un peu finalement. « J’ai emménagé ici il y a quelques mois, et je suis nouveau client. » Il regarda un moment son énième verre gratuit. « Si on peut me qualifier de client… » Il se reprit pour l’interroger par la phrase qui l’avait le plus interpellé dans sa tirade. « Comment tu comptes t’y prendre pour forcer notre amitié, alors ? »

Une autre soirée à courir après les employés, le Nowhere tenait et s’était parfois à se demander comment... Caleb avait beau s’en plaindre, au moins, il ne se lassait pas de son emploi, bien que l’énervement soit parfois à son comble. Il ne manquait pas d’être occupé et d’avoir à faire, à croire qu’il était bien plus demandé ici qu’à Chicago, chose plutôt impensable, mais vraie, Beacon ne manquait pas de le surprendre…
Ce soir-là ne faisait pas exception et la bise d’Isabelle n’apaisa pas ses marmonnements alors qu’il lui reprochait sa trentaine de minutes de retard. Encore et encore des retards, il était prêt à changer ses heures pour être sûr qu’elle soit présente quand il le souhaite… Il n’eut pas le temps de lui accorder plus de temps que déjà les clients affluaient et Caleb se retrouva bien vite à avoir d’autres choses auxquelles s’occuper, passant une bonne partie de la soirée au bureau.
Ce n’est que plus tard qu’il put enfin le quitter pour rejoindre la salle, jetant un coup d’œil pour surveiller ceux qui n’avaient pas joué les abonnés absents. Caleb se retrouva bien vite à froncer des sourcils lorsqu’il ne vit pas Izzy à son poste, grognant en rejoignant Emmanuel, vérifiant qu’elle ne squattait pas, encore une fois, un des podiums normalement dédiés aux danseurs. Ce n’était étrangement pas le cas et il tapota l’épaule du seul sérieux qu’il s’était décoté : « Izzy a encore disparu ou t’es au courant de ce qu’elle complote ? » Il n’eut pas besoin d’attendre sa réponse, suivant simplement son regard pour la voir cachée à une table avec un client. « Me dit pas qu’elle a ramené son copain et qu’elle va encore traînasser toute la soirée… » N’attendant pas vraiment de réponse et n’étant pas vraiment décidé à monter ses employés les uns contre les autres, il avança discrètement vers la table, à l’abri du regard d’Izzy pour la surprendre sur le fait et ne pas la laisser s’échapper. Il en profita pour détailler son interlocuteur. Caleb ne put s’empêcher de penser qu’il ne l’aurait pas vue avec ce type de garçon. Il en vint même à se demander s’il ne s’était pas juste trompé et qu’il s’agissait juste d’une connaissance.
En s’approchant, Caleb parvint à saisir quelques brides de leur conversation. Pas un crush, pas un ami, juste un type qui venait passer la soirée ici et qu’elle avait alpaguer pour une histoire de style. Il inspira longuement, décidément elle n’était pas près d’arrêter de le surprendre.
Alors qu’elle commençait à répondre au client il la coupa après quelques phrases, serrant ses paumes sur les épaules d’Izzy avec un faux sourire en coin : « Ma chère Isabelle, il va vraiment valoir que tu revois la définition de travail… ça fait combien de temps que t’a posé ton plateau ? » Elle alla pour répliquer et il serra un peu plus sa poigne : « Nope, me dis pas, ça va juste m’énerver plus. » Il sourit enfin au client en face d’elle et calcula le nombre de verres qu’il allait devoir retirer du salaire de la demoiselle : « Bonsoir, désolé de vous couper, à moins que je vous sauve un peu de ses griffes. Elle ne vous importune pas trop ? »

Elle se devait de l’avouer, elle avait fait que déblatérer en le fixant, reprenant à peine son souffle pour lui laisser le temps d’en placer une. Elle avait réussi à le rassurer en affirmant que c’était purement platonique comme discussion et qu’elle n’était pas à la recherche de quoi que ce soit si ce n’est la marque de son maquillage et créer une possible amitié qui lui plairait beaucoup.
« C’est bon je peux parler ? » Izzy esquissa un petit sourire désolé et le laissa parler, l’écoutant sagement, souriant de plus belle à ses remerciements et son contentement quant aux cocktails. Leur amitié se rapprochait un peu plus, elle le sentait. Elle prit donc son geste vis-à-vis de son verre vide comme un signe et le fit remplir par une autre serveuse qui la regarda de travers, regard auquel elle répondit d’une langue tirée enfantine. Elle rigola à la remarque sur les pourboires, là encore il avait faux, elle n’attendait rien et se moquait bien de l’argent, préférant le soutirer de Caleb le grincheux. « Ah et, euh… T’es pas mal non plus. Enfin, je veux dire. J’aime bien ton style… Aussi... » Izzy papillonna des yeux, c’était maladroit, mais ça avait l’air d’avoir un fond sincère et elle s’en contenta. Après tout, elle aurait peut-être mieux quand ils se verront en dehors de travail et qu’il la verra vraiment sous son vrai jour. Oui, elle prévoyait déjà plus que cette simple entrevue, elle pouvait partir loin et vite.
« Comment tu comptes t’y prendre pour forcer notre amitié, alors ? » Elle s’étira, prête à lui balancer tout son plan pour forcer son amitié, son sourire toujours aux lèvres. « C’est simple, ne pas te laisser partir sans prévoir une autre sortie, en dehors du boulot de préférence, mais aussi sans avoir échangé nos numéros, et surtout vérifier que tu m’as bien donné le vrai. Sinon c’est triste. Ensuite, j’-… » Elle sursauta alors que deux mains de grosse brute vinrent se poser sur ses épaules. « Et merde… » murmura-t-elle alors qu’elle essayait vainement de cacher son cocktail du regard dur et froid de Caleb, le poussant vers le jeune homme pour qu’il ne pense pas qu’elle buvait sur son temps de travail. Enfin, il venait de la choper à papoter pendant sa tournée, c’était pas mieux et pas un verre qui allait changer son cas…
« Ma chère Isabelle, il va vraiment valoir que tu revois la définition de travail… ça fait combien de temps que t’a posé ton plateau ? » Elle s’efforça de sourire et tenta le tout pour le tout : « Pas longtemps du tout Caleb voyons, je voy-… » Elle fit la moue en sentant sa poigne, geste parfait pour impliquer un ‘n’essaie même pas de te justifier, je sais que tu me racontes des bobards’… « Nope, me dis pas, ça va juste m’énerver plus. » Bingo… Elle était décidément fichue pour ce soir. Elle voulut se tourner vers Caleb pour essayer de plaider son cas et aussi ne pas laisser son boss ruiner son amitié forcée et lui permettre de laisser sa proie filer en douce. Mais déjà Caleb ne s’intéressait plus à elle, mais plutôt à lui, voilà qu’il cherchait à la faire culpabiliser… Elle leva ses grands yeux de biches vers le jeune homme, bougeant ses lèvres sans échapper le moindre son pour le supplier d’un ‘save me please’.